J'erre à travers des corridors embrumés de souvenirs. Je revois en flash cette gosse à divers stades de sa vie: elle me serre le coeur. J'aurais envie de la serrer tout contre moi et de lui dire qu'elle n'est pas seule, qu'elle est accompagnée. Je sais ce qu'elle va devenir, ce qu'elle va ressentir, ce qu'elle va subir. Je sais que ce manque de confiance qu'on insinue insidieusement en elle aura raison de chacune de ses ambitions et que toutes les maigres batailles qu'elle va "gagner" ne seront du qu'à l'orgueil démesuré qui grandit en proportion. Je sais déjà qu'elle va se tromper plusieurs fois de chemins, qu'elle va batailler pour rien ou 3 fois rien; qu'elle n'emplira jamais ses parents de fierté et que tout ce qu'elle dira ne sera jamais pris en considération. Je sais qu'elle sera en permanence jugée et mal jugée. Je sais qu'on la croira la cousine éloignée d' E.T aux actes et aux paroles absolument dénués de sens. Je sais qu'elle va en souffrir longtemps mais qu'à un moment donné de sa vie elle enterrera définitivement l'idée qu'elle aurait pu être un jour une fille bien pour ses parents. Je sais qu'elle aura des comportements parfois de chiens méchants parce qu'elle sera empli de peur, qu'elle prendra des décisions venues de nulle part et que sur sa docile, tendre et gentille nature elle construira la muraille de Chine. Je sais que l'unique but de sa vie sera d'être au CENTRE DE TOUTE CHOSE et de trouver celui qui métamorphosera la chrisallyde qu'elle est en magnifique papillon qu'elle méritera d'être. Je sais qu'elle n'aimera que l'Essence et les Concentrés laissant les eaux et les dilués à ceux qui s'en contentront. Derrière un poing levé et un brassard rouge, au milieu d'un défilé, derrière une grande gueule aux idées bien arrêtées je sais que se trouvera un coeur en mie de pain, une gamine qui n'aura de cesse de croire au toujours du Grand Amour. "Sinon a quoi bon? se dira-t'elle. A quoi bon?" Je sais que toutes les autres ambitions lui paraîtront tellement dérisoires....Je sais qu'elle passera son temps à interroger les miroirs, je sais qu'elle ne saura jamais si elle est jolie ou non, intelligente ou pas.
Leur monde est petit mais on s'y sent comme au milieu de l'infini du désert. Je suis pour mes enfants ce que personne n'a jamais été pour moi: je veille chaque jour à les embrasser, à les caresser, à les regarder, à leur sourire, à leur dire qu'ils sont beaux, intelligents, dégourdis et qu'ils sont ma fierté. Je veille à anticiper leurs éventuels inconforts, je guette le moindre soucis et lorsqu'ils se font mal je veille à poser tendrement mes lèvres sur leurs bobos. Je les suis du regard, les encourage et crie lorsqu'il y a un danger. J'essuie les larmes de fatigue, de colère et de chagrin. J'essaie d'avoir le sourire réparateur et la voix réconfortante. Je prends leur température lorsqu'ils sont malades, administre les médicaments et veille sur leur sommeil. J'ouvre mes bras pour qu'ils s'y reposent, leur tient la main pour les guider et tous les jours que Dieu fait je remercie en secret leur père de m'avoir donné deux créatures aussi parfaites et jolies. Et tous les jours que Dieu fait je leur dis à chacun doucement ou fort, sérieusement ou en riant que je les aime.
Je suis une mère.