A l’heure où s’aggravaient les angoisses et les doutes, à cette heure particulière où les limites se délimitaient, où s’obscurcissaient la lumière, pendant ces minutes précises où parler devenait vain, elle écrivait. Ultime recours, dernier secours. S’ils savaient son monde intérieur ! Il était incontrôlable, débordant, insubordonné, bouillonnant. Elle qui avait la verve latine et le geste facile se retrouvait les poings liés par des angoisses crépusculaires. Elle venait d’avoir vingt ans et l’Amour lui était inconnu… Dans sa petite chambre rectangulaire, au milieu de ses livres elle se demandait où il était. Elle était en colère, il pourrait se manifester quand même ! Elle ne le connaissait même pas que déjà elle lui faisait une scène… Ah, se retrouver autour de sa circonférence, comme dans un ventre chaud, isolés, formant finalement le nombre pair, le chiffre anti-solitude, le chiffre complémentaire, le chiffre gros lot, celui que tous espèrent. Il lui raconterait ses voyages, il lui raconterait l’immensité et le secret de l’invisible. A son contact elle deviendrait invincible. Ce devait être ça l’amour hein ? Devenir invincible, indivisible, insubmersible, indestructible …