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L'absente... pourquoi? Parce que jamais là, toujours en vadrouille quelque part dans sa tête, parce que quand j'écris je descends du monde et de sa lassante rotation, je descends du manège infernal, je m'absente, je ferme, je m'éclipse, je m'invisibilise... J'ai utilisé l'écriture comme une catharsis, une thérapie, quelque chose qui me maintienne debout. Rien d'exceptionnel, une petite vie avec des petits problèmes, des souffrances comme il y en a tant d'autres mais voilà j'ai ressorti mon vieux cahier sur lequel j'écris depuis toujours et je vous le livre. Soyez indulgent, il n'y a rien de littéraire, il n'y a pas de talent, juste quelques écrits sur mes souffrances passées et actuelles. J'utilise le pronom personnel "elle" simplement pour ménager ma pudeur... elle c'est la gosse que j'étais au milieu d'une enfance poissée de solitude, c'est l'adolescente écorchée et c'est la femme que je suis. Des flash back et du maintenant, rien de construit, juste des coups de blues, des coups de sang, des coups de gueule et des moments d'amour puisqu'il y a "Vous" ou Eric, l'empêcheur de tourner en rond à qui je dédie nombre de mes lettres, mon lui, mon il, mon mari aujourd'hui, un homme que je vouvoie dans mes écrits parceque, tournesol, il est mon soleil. Merci de me lire....

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14 septembre 2005 3 14 /09 /septembre /2005 00:00

L’écriture avait toujours été pour elle un moyen d’arrêter le Temps et ce processus biologique qui la vieillissait. Lorsqu’elle était sur sa machine elle descendait du monde, elle abandonnait sa lassante rotation, elle oubliait la Seconde et le mal qu’elle pouvait provoquer, elle n’avait plus ni de tournis ni de nausées. Elle n’existait plus ni pour elle ni pour les autres mais pour les mots, toute sa pensée était tendue vers cette éthéromane recherche. Elle, elle ne voulait que le pouvoir d’écrire, elle ne voulait que le pouvoir du verbe à l’heure où les angoisses s’aggravaient, à cette heure particulière où parler devenait vain: ultime secours, dernier recours lorsqu’elle était en état d’urgence, lorsqu’elle avait le coeur gémissant, lorsqu’elle avait l’âme en colimaçon, lorsqu’elle considérait que sa vie était un foutoir, une chierie, une rue louche, un café sans sucre, un sucre sans café, qu’elle était un pétrolier au fond de la mer, un cachalot échoué sur la plage, un énorme malentendu entre un spermatozoïde têtu et un ovule bien trop docile. Conclusion sans rémission: à peine y a t-il fusion qu’il y a division... Ses ailes frêles s’engluaient donc dans un épais désarroi provoqué par le dégoût, l’affreuse désillusion, le profond déséquilibre entre le monde et son monde. Elle était trop mal assise entre ses deux chaises, ses deux cultures. Lorsque ses racines s’endolorissaient c’était pire qu’une rage de dent, elle fallait qu’elle arrache quelque chose, qu’importe la souffrance mais pourvu que la douleur cesse. Il y avait en elle aucun repos, aucune sensation agréable d’un cercle bien rond, bien défini, aucun bout qui ne se rejoignait, aucune route qui menât à bon port, aucun plaisir sans douleur, rien sans son contraire. Il y avait en elle une case vide qui faisait partie intégrante de sa constitution mentale, un espace qui resterait vierge malgré les rencontres. Elle avait conscience d’une anormalité inguérissable et que même si par un hasard quasi impossible elle venait à disparaître il resterait désormais le souvenir à jamais indélébile d’une époque trop confuse pour ne pas trouver le bonheur suspect. Elle n’avait que dix-sept ans et portait en elle des paroles silencieuses, pudibondes, des mots imprononçables qui endolorissaient le Silence et blessaient les pourquoi des autres...
Les autres, lourdes présences, pesantes impertinences, les autres, agaçantes interférences sur les ondes de ses silences, les autres, éléments de trop, ennemi de l’unité qu’elle voulait ne former qu’avec elle-même. Elle se voulait autarcique, elle se voulait une île, elle se voulait accouchée de personne, elle se voulait venue de nulle part, elle ne se voulait surtout pas redevable. Aucune dette, aucun retour, aucune charge, aucune taxe. Venir, faire un tour et partir. Partir comme elle était venue, dans l’anonymat le plus complet ne faisant ni rire ni pleurer personne, lorsque le bal deviendrait lassant, partir sur la pointe des pieds pour n’avoir à se justifier envers personne ni à se confondre en de plates et hypocrites excuses. Pourquoi rien ne se décidait? Aucun engagement, aucune signature, aucun contrat, aucune parole, elle n’était qu’une particule en suspend, libre de s’accrocher à ce qui pouvait l’attirer, elle n’était qu’un avide instinct. Elle pensait que promettre c’était déjà trahir, chaque minute offrait des possibilités et les possibilités des choix, des directions différentes. On ne pouvait tracer des droites ni s’enfermer dans des cercles, la vie était un perpétuel zigzag. Les échecs et les solitudes étaient provoquées par un manque de synchronie: elle ne voulait pas se heurter à un zigue lorsqu’elle entendait zaguer ni à un zague lorsque c’était ziguer qu’elle désirait. Elle ne voulait donc zigzaguer avec personne. Sa logique était implacable. Mais au fond, elle n’avait souvent le choix qu’entre une boiteuse certitude et une évidence borgne. Elle sentait le château de cartes à plein nez et à force de menacer ses échasses l’Incertain lui avait valu une jolie réputation d’instable. Mais elle venait d’ailleurs, dans le ventre de sa mère elle marchait pieds nus, elle dansait au rythme endiablé de la guitare de son père, elle partageait avec lui ses moments de nostalgie lorsque c’était le son langoureux de sa mandoline qui déchirait la barrière du placenta. Elle ne comprenait pas d’ailleurs pourquoi il était si nostalgique son père, elle, elle était chez elle mais lui où était-il? Qui ou quoi pouvait bien le rendre si triste? A sa naissance elle n’a compris personne, la consonance des mots lui était inconnue. Quelle langue parlaient-ils? Pourquoi ne chantaient-ils pas? C’est là qu’elle a compris, c’est là qu’a commencé son exil...
Le soir, elle regardait avec attention le rétroviseur, elle avait toujours peur qu’un souvenir déboîte sans un appel de phare, elle avait peur d’un coup de cafard.

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