Votre mère est fière et conne mes fils.... Jamais mal, toujours debout, même pas tombée, surtout pas à genou.  Juste un peu cabossée, mais quoi?! quelques éraflures, rien de bien sérieux, même pas besoin de constats, quelques séances de psy auront fait l'affaire... alors que souvent elle agonisait... exangue. Pas de témoin, jamais. Trop fière, trop conne.

Votre mère aimerait être le calme, elle n'est que la tempête. Elle aimerait être la tempérance, elle n'est que la véhémence jusqu'à l'incohérence parfois. Elle aimerait être la voix de la sagesse et du pardon mais sa mémoire est définitivement bovine,inlassable ruminante.

Elle aimerait mettre des lunettes à ses colères pour ne pas se cogner contre les murs qu'aveuglée, occupée à vociferer elle ne voit pas. Elle aimerait un feu doux pour que tout cuise doucement, sans bouillonnements salissants ni projections brûlantes, douloureuses et inutiles.

Elle aimerait parfois quand la lassitude la saisit une vie de blonde, un caractère de blonde, des enfants blonds et une mort de blonde.... linéaire, carré et sans rien qui dépasse mais elle sait qu'elle ne changera jamais, qu'elle vous aimera toujours comme une brune, ritale du pays des brigands, avec du bruits et des gestes, des enlacements sans fin et des bisous sonores, des gueulantes fumantes et des fessées pas volées, non mais! mais de l'amour mes fils de l'amour jusqu'à l'infini, donner mes tripes et mes boyaux, mon ventre, mes yeux et mon coeur si vous en aviez besoin, sans limite.....

D'où ça vient? d'où ça sort? Gargouillis de syphons sales et bouchés, remontées d'égouts répugnantes, odeurs nauséabondes, relents de souvenirs putrides à oublier d'urgence.... N'y a t'il donc aucun espoir d'échapper à sa mémoire? Mais qui la réveille? Qui reveille la gamine endormie??? laissez là dormir. Je voudrais qu'elle meurt maintenant, qu'elle se repose enfin dans les méandres de l'oubli, qu'elle n'existe plus, je voudrais la lâcher, non pas l'abandonner mais lâcher sa main en toute sérénité, en toute quiètude en lui disant que la vengeance est froide et insipide, que ses souffrances n'auront pas été vaines, qu'elles l'auront transformé en un être plus profond, plus tordu certes mais plus humain. L'amour ne se rattrape pas, le vide reste vide, il n'y a aucune possiblilité de le remplir, il faut vivre avec ce gouffre de manques, avec ce vertige permanent mais sans craindre de tomber. Je n'ai plus peur de tomber voilà ce qui a changé, je n'ai plus peur de rien, je ne crains plus l'abandon. Qui peut avoir la prétention de m'abandonner? Pauvre de vous.... je suis l'Abandon...

Mes fils, vous recevez jour après jour mes manques vertigineux... tout cet amour que je n'ai jamais reçu (honte à eux) je le puise dans ce vide infini...

Je descends au fond du trou, là ou ne règne aucune forme de vie, où le vide est vide. Je descends, j’entame la descente et quand je touche le fond, l'anesthésie opère, y a plus rien, je ne suis plus rien, je suis le néant, je ne sens plus rien, plus de douleur, plus de souffrance, plus d’espoir, le rien, le vide si familier, si rassurant. Ma seule lumière c’est le regard de mes enfants, un regard où les infinis sont vertigineux... Ô mes petites créatures si aimantes et si aimées… que le vide vous épargne…. qu’il ne vous aspire jamais dans sa spirale. Vous proteger coûte que coûte de mes démons et des impostures de la vie, préservez le plus longtemps possible ce qui fait votre force: votre innocence…. Je ne suis pas digne de partager… on ne partage pas ses névroses, on se les garde, par humanité, on vit seule par honnêteté. Enfant à 7 ans en sortant de l’école j’ai pris le chemin opposé de la maison, je voulais déjà partir, ne plus subir….Je pue. Je suis nauséabonde, je suis à éviter, ne vous approchez pas, je suis à vomir.